Les app de notation beauté : faut-il les suivre les yeux fermés?

 

Si les applications permettent de se faire une idée immédiate des cosmétiques, en rendant une information claire via la note, le risque est le manque de transparence que cela implique. Une note et une couleur - le plus souvent rouge - ne peuvent refléter à elles seules le vaste champ - en perpétuel mouvement - de la connaissance actuelle des sciences et des ingrédients. Petit tour d'horizon des problématiques que cela pose en quelques points cruciaux sur lesquels il nous semble judicieux de s'étendre.

Les applis de notation ne donnent pas les taux d'ingrédients mais se contente de les lister.

Le problème que ça pose : En chimie comme dans la vie tout est une question de DOSE. Ainsi ce qui est à priori bon pour la santé, comme par exemple une noisette de beurre, se révèle nocif à haute dose (si vous avalez toute la plaquette dudit beurre). En ce qui concerne les cosmétiques, la liste INCI (c'est-à-dire la liste des ingrédients) est classée par ordre décroissant, c'est-à-dire du plus dosé ou moins dosé; les ingrédients en fin de liste sont donc les moins dosés, et souvent en quantité extrêmement faible. Or Yuka et les autres applis ne font pas la différence entre un ingrédient "à risque potentiel" ou "suspecté d'être dangereux" dosé à 20% ou à 0,2% et la note ne reflètera pas ces nuances... 

Les applis de notation ne font pas la différence entre produits rincés et non rincés.

Le problème que ça pose : Certains ingrédients sont autorisés par la législation européenne dans les produits rincés (par exemple, les colorations ou les shampooings) et non autorisés dans les produits non rincés (comme les crèmes pour la peau par exemple). Or il y a une grande différence entre un produit de soin qu'on laisse poser sans rincer et qui va donc pénétrer la couche supérieure de l'épiderme, et un shampooing qui n’a pas le temps de pénétrer dans les vaisseaux sanguins du cuir chevelu car il est rincé avec l’eau.

En effet, le temps d’exposition et la capacité d'un ingrédient à être absorbé sont primordiaux pour juger de la nocivité d'un produit. Pour info d'ailleurs, la plupart des tests réalisés en laboratoire mettent au contact des ingrédients à tester des cellules humaines pendant une durée de 24h ! Donc largement plus qu'une coloration qui dure 30 minutes...  

Le recours à la note unique cache des réalités disparates.

Le problème que ça pose : Si le recours à la note rend l’information plus synthétique et donc plus lisible, elle manque de transparence. Plutôt qu'une note unique qui, on l’a démontré, est trop arbitraire, il faudrait dans l'idéal une information pour chaque aspect / ingrédient du produit ainsi que les taux maximum autorisés. Rien ne remplace le jugement avisé des consommateurs basé sur une connaissance élargie du produit.

La note se substitue à tout débat scientifique autour des ingrédients.

Le problème que ça pose : Les app de notation parce qu’elle synthétisent tout pour rendre un jugement univoque, ne permettent pas de comprendre les tenants et aboutissants sur une substance qui est mise en cause, mais autorisée : elles émettent une évaluation négative directement. Selon nous il faudrait une certification publique de ces applis, qui rappelons-le sont des entreprises privées, afin d’attester la pertinence scientifique de leurs critères d’évaluation et de leur pondération, ainsi que de la fiabilité des bases de données utilisées. 

Sachez d'ailleurs que la loi change sans cesse en fonction des avancées scientifiques et que tout ingrédient qui se verrait interdire par la législation européenne sera obligatoirement supprimé des listes d’ingrédients au risque d'être interdit sur le marché. La France est l'un des pays les plus stricts en matière de réglementation sur la consommation.

La non-vérification systématique des données laissent la porte ouverte aux erreurs.

Le problème que ça pose : Des ratés existent! Par exemple, Yuka peut continuer à afficher une liste d’ingrédients obsolètes, car l’app étant une base de données collaborative, si la marque ou les consommateurs ne signalent pas les changements (et ils sont nombreux au cours du temps) la liste reste donc non mise à jour et délivre donc des informations erronées. De plus le côté collaboratif a également ses limites : n’importe qui, n’importe quand, peut scanner une nouvelle liste d’ingrédients au hasard et l’affecter à un produit. On imagine bien les actions mal-intentionnées qui peuvent en découler.

Pour conclure, OUI les applis c'est bien quand on n'a pas trop le temps ou que l'on ne souhaite pas approfondir, mais ça ne suffit pas pour avoir une connaissance élargie des produits, fondamentale lorsqu'on veut bien consommer. Des recherches plus poussées sont nécessaires.

Pour que les consommateurs de demain soit non seulement actifs dans leur consommation mais surtout plus éclairés et plus informés !

 

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